Une «Arche de Noé verte» abritant des graines des principales cultures vivrières a été inaugurée mardi en plein coeur de l'Arctique, véritable cocon pour la diversité végétale menacée par les catastrophes naturelles, les guerres et le changement climatique.
Enfouie dans une montagne de Longyearbyen, chef-lieu de l'archipel norvégien du Svalbard (Spitzberg), à 1000 km du pôle Nord, la réserve de semences pourra accueillir jusqu'à 4,5 millions d'échantillons, deux fois plus que le nombre de variétés existant dans le monde.
«C'est un jardin d'Eden glacé», a affirmé le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, lors de la cérémonie d'inauguration.
Chaudement emmitouflés, la militante écologiste kényane et prix Nobel de la paix Wangari Maathai et le premier ministre norvégien Jens Stoltenberg ont ensuite déposé symboliquement des graines de riz dans une des chambres froides.
«Le monde est un endroit plus sûr aujourd'hui», a déclaré à l'AFP le père du projet, Cary Fowler, directeur du Fonds mondial pour la diversité des cultures (GCDT), peu après la cérémonie cosmopolite qui mêlait chant traditionnel lapon, musique d'inspiration africaine et choeur d'enfants.
«Nous pouvons maintenant stocker en toute sécurité un nombre considérable de semences vulnérables et précieuses», a-t-il dit.
Surplombant un fjord et ornée pour l'occasion de sculptures de glace et de lumières bleutées, la réserve de semences ressemble à un trident souterrain: un long tunnel débouche sur trois grandes alcôves. Les graines y reposeront dans des sachets hermétiques alignés sur des étagères métalliques.
Seule l'entrée émerge de la montagne enneigée, laissant apparaître deux hautes parois surmontées d'une oeuvre d'art faite de miroirs et de morceaux de fer qui forment un prisme visible, dit-on, des kilomètres à la ronde dans l'obscurité permanente et totale de l'hiver polaire.
La réserve de semences fonctionnera comme un filet de sécurité. Elle conservera dans des conditions optimales, à -18°C, des doubles de graines stockées dans les 1.400 banques de gènes existantes.
Celles-ci n'offrent pas les mêmes garanties que la nouvelle venue: protégée par des tonnes de roc, des portes blindées et des parois en béton armé, elle peut résister à une chute d'avion ou à un missile nucléaire. Caméras de télésurveillance et ours polaires complètent le dispositif.
Si une variété de culture vient à disparaître dans son milieu naturel, les États et institutions pourront récupérer les graines qu'ils ont déposées et dont ils demeurent propriétaires.
Sous l'effet des maladies, du changement climatique ou encore des activités humaines, la diversité génétique s'appauvrit. En 1949, les paysans chinois cultivaient plus de 10.000 variétés de blé, dix fois moins 20 ans plus tard.
Or, la diversité est indispensable pour mettre au point des cultures plus résistantes, moins gourmandes en eau et en engrais, aptes à s'adapter au réchauffement climatique et plus nutritives. D'autant qu'en 2050, il y aura 9 milliards de bouches à nourrir.
«Nous espérons et oeuvrons pour le meilleur, mais nous devons nous préparer au pire», a précisé M. Barroso.
Grand comme deux fois la Belgique pour une population de 2.300 âmes, le Svalbard --où aucune culture ne pousse-- est considéré comme l'endroit idéal pour une réserve de semences.
Isolé mais accessible, politiquement stable, l'archipel est recouvert d'un permafrost qui garantit à l'Arche suffisamment de fraîcheur même en cas de défaillance des systèmes de réfrigération.
La réserve de semences a coûté environ 6 millions d'euros, financés par la Norvège.
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