Le mercure flottait allègrement au-dessus de zéro. Les skis dérapaient mollement sur une neige lourde et mouillée. Bref, c'était une journée de ski de printemps normale au mont Tremblant, hier, cinq jours après la tragédie qui a eu des échos aux quatre coins du monde.
La mort de Natasha Richardson a pourtant laissé des traces sur les pentes de la célèbre station de ski. Chaque personne rencontrée par La Presse, hier - touristes, skieurs, moniteurs, employés - avait eu vent du drame. Et chacune s'est dite troublée par les circonstances de cette mort survenue après une chute d'apparence banale.
Les patrouilleurs rencontrés hier ne chômaient pas. En trois heures, ils ont ramené au moins quatre personnes au pied des pentes dans leurs traîneaux-civières. «Ça nous fait une grosse semaine», a lancé avec ironie l'un d'entre eux tout en réconfortant une jeune femme qui portait un masque à oxygène. «Ça, par contre, c'est un cas de routine», a-t-il précisé au sujet de sa patiente.
Lundi, les patrouilleurs avaient insisté pour que Natasha Richardson voie un médecin. Ils avaient appelé une ambulance, laquelle est repartie bredouille parce que l'actrice disait se sentir bien. Des employés de la station l'ont raccompagnée à sa chambre d'hôtel et lui ont de nouveau recommandé de se faire examiner par un médecin. Ce n'est qu'une heure plus tard que Mme Richardson a éprouvé un malaise.
Voilà pourquoi un patrouilleur s'est dit frustré par la mort de l'actrice, après des traitements à Sainte-Agathe, à Montréal et à New York. Il souligne que ceux qui ont tenté de lui venir en aide ont suivi le protocole à la lettre en insistant pour qu'elle voie un médecin. Si elle avait écouté leurs conseils, a-t-il indiqué, Mme Richardson serait peut-être vivante aujourd'hui.
«Des cas de personnes qu'on veut soigner et qui ne veulent pas de nos soins, on en a 20 par jour», a dénoncé un patrouilleur qui ne s'est pas nommé puisque la station a ordonné à tous ses employés de ne pas parler aux médias dans la foulée de l'affaire.
La monitrice de Natasha Richardson a raccompagné l'actrice jusqu'à sa chambre d'hôtel, lundi dernier, alors qu'elle semblait toujours en pleine forme. Ses collègues de l'école de ski se sont pour leur part dits troublés par ce qui s'est passé lundi dernier. «C'est sûr que ce n'est agréable pour personne», a confié une professeure.
Casques: le message retentit
Le mois dernier, l'Association des médecins d'urgence du Québec avait lancé un appel au gouvernement pour qu'il impose le casque à tous les skieurs l'an prochain. Cinq jours après la mort de Mme Richardson, le message semble retentir bien davantage sur les pentes.
Sous une tente érigée au pied de la montagne, Gérald Faubert présentait les nouveaux modèles de casques Carrera. Aucun n'était à vendre, mais des dizaines de personnes se pressaient autour de son stand pour les essayer.
«Ça a été ainsi toute la journée, a-t-il confié. Si j'avais eu des casques à vendre avec moi, j'en aurais facilement vendu 100. C'est sûr que l'impact va être très grand.»
Vanessa Lafontaine faisait partie des curieux qui s'agglutinaient autour du stand. Sa belle-mère, Céline Turpin, tente depuis un an de la convaincre de porter un casque.
«J'ai trois enfants, ils ont commencé à faire du ski à l'âge de 3 ans et le casque faisait partie de l'uniforme, a indiqué l'infirmière, qui a travaillé pendant 20 ans aux urgences d'un hôpital. Mais la copine de mon fils n'a pas de casque.»
La jeune femme de 18 ans considère que Natasha Richardson, une skieuse débutante, aurait dû porter un casque. Mais elle avoue avoir du mal à s'y résigner, elle qui pratique le sport coiffée d'une simple tuque depuis plus de 10 ans. «Je ne suis pas habituée», a-t-elle résumé.
Nicholas Heckford et sa femme, Julia, connaissaient bien l'actrice. Ils viennent de Bristol, en Angleterre. En voyage de ski au Québec, ils ont été frappés de voir à quel point le casque est répandu sur nos pentes, bien plus qu'en Europe.
«Nous avons pensé à acheter des casques, a indiqué M. Heckford. Le problème, selon moi, c'est que ça rend l'expérience beaucoup moins agréable.»