Culture et cochonnailles
Le dîner s’était achevé, plein de promesses d’une dimension métaphysique.
Après 2,25 minutes d’une réflexion studieuse, l’intellectuel lança :
- Oui, mais bon, quand le bateau coule, y’a moins de place pour les canards.
Les invités, abasourdis, mirent quelques instants à parler.
Le premier convive se leva :
- Maître, vous êtes un génie. Quelle sagesse, quelle présence, quelle densité dans cette analyse profonde, aucune logorrhée verbale, tout dans un apophtegme circonstancié. Bravo. Et il partit en pleurant de bonheur.
Le deuxième se leva à son tour :
- Oui Maître, la structure de votre phrase est un modèle pour nous autres, humbles passants de hasard. Votre rhétorique est fabuleuse, sorte de balancement entre oxymoron et métalepse. Votre compréhension de la conscience n’a d’égal que votre beauté. Puis après un bref sanglot contenu par des millénaires de confiance, timidement effacé par un mouchoir jetable, il ajouta :
- Puis-je vous appeler Dieu ?
Le troisième s’abstint de tous commentaires, s’étant pendu très tôt dans la soirée – juste après la côtelette aux haricots- . Il avait juste écrit quelques mots sur la nappe en papier : J’ai atteint la beauté ; pensez à arroser mes plantes vertes »
Le quatrième bredouilla :
- Maître, laissez-moi traverser les océans pour délivrer votre épatant savoir. Que l’on sache dans cet univers confiné que vous êtes grand. Je veux être votre disciple, votre apôtre, votre vassal. Puis-je embrasser vos divins pieds ? Après avoir baisé goulûment les divins métatarses il s’en fut convaincre quelques populations autochtones d’une nouvelle métaphysique.
Le dernier invité, ivre de fatigue et d’alcool fort, ne dit rien. Il se leva, cracha dans son verre vide, urina contre la porte massive du salon en sifflotant une chanson paillarde. Rentrant chez lui il pensa :
- Pas certain que je revienne mardi prochain moi.