Un jour de mai
Putain de moi. Réveil. Là. Là-haut, tout va bien,la tête, les bras, ça marche. 50, 50, les pieds, les genoux, les jambes, rien ne va. Bon sang, je me réveille et je deviens un morceau d’homme, un bout d’humain, mieux une moitié d’immobilité. Dois-je hurler sur mon sort, sur le futur tas de cendres que je suis, que deviens-je ? Pourquoi moi ? Pourquoi cette inégalité ?
Je suis complètement réveillé. Ma chambre trop blanche irrite mes yeux. Mes souvenirs sont flous, ma tête me fait mal. Puis-je faire un retour en arrière. J’ai mal, j’ai peur, mon corps meurt à moitié, une moitié de trop.
La voiture fonçait trop rapidement pensant survoler la route, puissante, éternelle, sublime. Montagne traître, virages déroutants et dangereux. Voiture trop rapide. Je me souviens… Quelqu’un m’avait averti. Route mauvaise… Attention à chaque instant… La montée est rude… Beaucoup de virages, beaucoup d’accidents…
Une infirmière boutonneuse arrive dans la chambre. Tiens, je suis seul. Elle m’avertit que le professeur passera dans un instant. Je sais déjà que je vais le détester. Je hais les médecins, je hais les gens. Je hais mes jambes. Je lui demande comment vais-je, elle ne me répond pas. Pourquoi ne me répond-elle pas ? Mes mains approximativement prennent un verre d’eau. J’ai soif.
On frappe à la porte ; des gens entrent ; sûrement le professeur, ses étudiants, ses infirmières amoureuses venant contempler le nouveau phénomène de l’hôpital machin. Leurs blouses sentent l’éther. Classique.
-Comment allez vous cher monsieur ? demande celui qui apparemment est le professeur.
- Plus à pied, réponds-je subtil.
- Bravo, l’ironie est la meilleure façon de combattre les problèmes. Les visiteurs rient, stupidement.
- Vous savez monsieur, l’accident dont vous avez été victime a été très spectaculaire, votre voiture est complètement hors d’usage. Comme vos jambes d’ailleurs. Vous ne pourrez plus marcher, confirme le professeur en se tournant vers ses élèves.
-Je n’aime pas votre humour, retorqué-je.
- Je n’ai pas d’humour, je me borne à soigner, à remettre en place ce qui peut l’être. Bon, à plus tard.
Ils repartent, détendus.
Je reste étendu.